N'allez pas voir "Wu Ji". Pourtant je suis un public facile quand il s'agit de fantastique, chinois ou autre. Mais c'est difficile de fermer les yeux sur du trop mal joué (ou dirigé), des images de synthèse pas assez travaillées, des acteurs qui, au vu de leurs photos hors tournage, n'ont pas été sublimés et une histoire qui a été massacrée. Pourtant les vêtements flottaient magnifiquement, les couleurs chantaient de partout et les héros volaient comme des oiseaux. Mais bon... Dans le même genre "Tigre et dragon" ou "Heroes" étaient infiniment mieux.
A tenter de concilier l'esthétique asiatique et les codes narratifs occidentaux on obtient facilement de la bouillie. A l'exercice de ce mariage délicat un seul reste, malgré les années, au-dessus du lot. Les films d'Akira Kurosawa, "Kagemusha", puis "Ran", moins fantastiques et sans trucage numérique, planent dans les sphères supérieures tout comme ces héros aux pieds légers. Aujourd'hui encore Ran est un choc visuel. Chaque plan est un tableau, chaque scène, qu'elle soit bataille ou discussion, est d'une minutie où rien, ni le timing, ni les gestes et les emplacements ne sont négligés. Considéré à sa sortie comme violent, son histoire, inspirée du Roi Lear de Shakespeare, est tragique de bout en bout et sans rémission. La dernière bataille, terriblement sanglante, pourrait rebuter, mais à y regarder de plus près, dès qu'on détaille posément les plans, on prend la distance nécessaire pour voir ces figurants couverts de litres de colorant rouge agonisant comme dans les peintures. Ran reste un chef d'oeuvre, peut-être trop théâtral au goût de certains, mais grandiose, excessif et cruel comme seule la vision d'un dieu peut l'être.
21 mars 2006
Ciné
Commentaires sur Ciné
- Eldorado > mais ils ne pleurent pas tant que ça ! C'était bien pire dans "Heroes". C'est vrai qu'ils jouent à leur manière, soit trop figée soit excessive dans l'expression mais ça c'est plutôt rigolo. Cependant j'ai eu le sentiment déparpillement dans les codes et ta précision sur la cible me le confirme.Tant pis, je reste sévère. J'aime pas être déçue au cinéma (mais il faut dire que j'ai eu droit à un public d'abrutis bien choisis ! Ça aide pas).
- D'abord il y a des réductions chomeurs, ensuite je suis un chomeur riche (relativement) et enfin, cette situation ne devrait pas s'éterniser (normalement). Tout à fait d'accord avec toi pour "mémoires ...". Ca viendrait à l'idée de qui d'aller voir un western français ? (encore que "les larmes du tigre noir" soit un western thai des plus réjouissants).
- Malheureusement, je n'avais pas lu ton billet lorsque je suis allé le voir mardi. C'est en effet un produit bien lisse, un brin ennuyeux (je me suis surpris à espérer la fin proche des protagonistes) et sans surprise. C'est le défaut de ce genre, nous savons maintenant depuis quelques années que les chinois courent plus vite que le vent, sautent plus haut que les arbres, la magie n'y est plus.
Reste une historiette assez convenue. Dommage, quel gâchis.
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D'accord, ça ne vaut pas un "Zu", mais le reste est - de mon point de vue - plutôt honnête (et même si les images de synthèse sont atroces).
En fait Wu Ji est un film essentiellement destiné au marché asiatique (les 3 héros masculins sont chinois, coréen et japonais), et les codes narratifs risquent d'etre un peu mal perçus par les occidentaux (comme me l'a fait remarqué S. à Bangkok, le fait qu'ils pleurent tous comme des madeleines a tout bout de champ est "choquant" pour un occidental, mais doit etre signifiant pour des asiatiques).