24 mai 2006
Voyage dans la poussière
( le port Racine, Manche, plus petit port de France )
J'ai participé à un camp de fouilles archéologiques à quelques pas de là, sur un espace terreux coincé entre les rochers. C'était un foyer datant du Moustérien, plein de silex et d'éclats de pierres taillées. J'avais dû mentir sur mon âge, haussant mes seize ans aux dix-huit réglementaires pour me faire accepter dans ce groupe d'étude. Je ne savais pas ce que je venais y chercher, poussée par une envie irrésistible d'autre chose. J'ignorais tout de la remontée dans le temps dans la poussière, en grattant la terre centimètre par centimètre. J'ai appris le relevé du site au cordeau le soir, le lent dégagement des pièces à la brosse, la poussière avalée tout le long de la journée sous un ciel d'été, avec la mer à quelques mètres qu'on ne regardait pas, trop absorbés par ces fragments de pierres qui sortaient de l'oubli pour raconter l'Histoire. Patience et méthode. Et c'est le nez au ras du sol, à enlever successivement des couches de terre que j'ai compris ce que signifie le Temps, celui des strates accumulées qui avaient figé presque éternellement la trace des premiers hommes. L'archéologie tient de la chasse aux trésors, avec son côté profanateur qui vient détruire la gangue protectrice si lentement construite. Ici le trésor principal était le racloir, pièce maîtresse du site. Et j'ai trouvé le mien, à la tranche transparente et magnifiquement dentelée, qui me remplissait la main comme prêt à l'ouvrage.
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